Semainier #2

Lundi, la chaleur me réveille tôt et me coupe l’appétit. La journée se passe dans le stress et la nervosité, ce rugueux sentiment de n’être pas assez préparée, et peut-être, pas assez tout court. Le médecin me cueille au summum de ma fatigue, il lit désespoir et incompréhension sur mon visage. De la colère aussi. Il me préconise des examens poussés, une enquête silencieuse qui font retentir les mots « je vous crois » entre nous.

Mardi, nuit écourtée, je me lève pour lire alors que le soleil dort encore. Je termine Libration de Becky Chambers dans les larmes et le pastel du jour naissant. Et puis, soudainement, je stresse pour un évènement auquel je participe dans un mois : suis-je assez préparée, assez légitime, assez douée, et la réponse négative globale me déclenche une crise d’angoisse. Je rêve de diluer mon anxiété dans l’eau claire du Léman.

Mercredi, boxe après une nuit chaotique (encore). Mon coach est aussi épuisé que moi, mais on se porte, on se tient, on s’élève, on se pousse. Quand à la fin de la séance il m’étire le dos, le craquement de ma colonne me fait presque pleurer de soulagement. Je rentre sous le soleil éclatant, mes gants à la main que les passants lorgnent, intrigués. Je lève un peu le menton. Je fais de la boxe. Je vis. Je suis fière, je crois.

Jeudi, dans le train direction Genève, je profite de la climatisation qui fait tant défaut à mon appartement. Nous avons rendez-vous à l’Académie de coiffure et j’ignore encore que je repartirais en y laissant la large majorité de ma tignasse. On est accueillis par de très jeunes élèves adorables, puis mon mari est entrainé d’un côté, moi de l’autre. On ne s’aperçoit plus qu’à travers un jeu de miroirs interposés, je m’amuse à observer sa confusion quand on enrobe sa chevelure dans une boule de cellophane. Mes cheveux bouclent une dernière fois sur le sol. Sans rancune. Sans regrets.

Vendredi, c’est la valse des femmes enceintes autour de moi, et je réalise que si la douleur en mon creux est toujours présente, elle laisse place à autre chose, un sentiment plus pur, plus lumineux que je ne peux décrire.

Samedi, abrutis de chaleur, on se traine jusqu’à la fnac pour enfin investir dans des manettes de Switch. Le générique des Tortues Ninja résonne dans le salon.

Dimanche, les moineaux assoiffés ouvrent grand le bec sur notre passage, et l’un d’eux, téméraire, vient manger du pain dans ma main. Je l’ajoute à ma liste de petits moments magiques du quotidien qui me font me sentir mère. Tant et si bien que je répète à l’oiseau qui m’observe en me voletant autour, suppliant, je ne suis pas ta maman. Et ça me fait mal de ne pas l’être, ça n’a aucun sens. On improvise, on passe nos maillots en vitesse et on embarque quelques serviettes direction le lac frais. En entrant dans l’eau, j’ai l’impression que mon corps brûlé fume de soulagement. On se passe une balle inlassablement pendant une heure, et puis on rentre, épuisés mais enfin libérés de la chaleur. On a quelques frissons, tout en réalisant qu’on n’en avait pas eu depuis longtemps.