Lundi, la sortie du week-end est difficile et l’envie de travailler quasi-nulle. Je me sens triste, sans parvenir à mettre un doigt sur la raison. Je manifeste auprès de mon amoureux mon envie de rendez-vous galants même après 16 ans de vie commune. Surtout après 16 ans de vie commune. Ca le fait sourire, rougir même, je crois, et il m’emmène déguster un délicieux dîner qui me fait oublier cette relation étrange d’amour-haine que j’ai parfois avec la nourriture.
Mardi, j’écris. J’écris beaucoup, tout ce que je peux. Je profite de la sécheresse côté dessin pour arroser mes mots, et ça marche, je boucle une nouvelle improvisée dont je suis plutôt fière. Le soir, le compagnon musical de mon amoureux débarque armé d’un parapluie plus grand que lui qu’il oublie à la maison. Ils trifouillent des centaines de boutons pour faire naître un début de mélodie alors que la fièvre gonfle entre mes tempes et me scie les jambes.
Mercredi, je suis malade comme rarement. Le thermomètre dans ma bouche indique 38.5, je n’ai pas dormi de la nuit, rien avalé depuis la veille au soir, j’ai mal, entre deux frissons de chaleur. La journée s’étire, rythmée de mes incursions sanitaires religieusement suivies de grands verres d’eau qui me pèsent sur l’estomac. J’essaye de manger, tout m’écœure, rien ne passe. Intérieurement, je pense au cancer, la grande menace, et je supplie la vie de m’épargner ça.
Jeudi, toujours rien dormi, et c’est les yeux cernés de bleu que je fais les cent pas dans le salon, le temps que le jour se lève et que la douleur s’estompe. Rien ne fonctionne, je me tords de mal dans toutes les positions, aucune ne me soulage. Impossible de manger, ça fait maintenant 40h de jeûne, et je m’en passerais bien, j’ai peur que la faim, déjà si durement apprivoisée, ne disparaisse de ma vie pour de bon. Je finis par passer un pantalon, et traîner ma pâle carcasse aux urgences les plus proches. 4h d’attente sur une chaise finissent de me paralyser les cervicales, et c’est raide comme piquet que je passe la porte de mon appartement avant de m’effondrer, en larmes, sur la table du salon face aux trois pauvres médicaments censés me guérir.
Vendredi, petit-déjeuner timide, comme le sommeil, mes œufs brouillés ont un goût de viande et ça me laisse confuse. L’aiguille de l’infirmière a laissé un bleu violacé dans le creux de mon coude sur lequel mon amoureux presse en me demandant si ça fait mal. C’est un vrai enfant parfois, dans le bon sens, c’est l’une des nombreuses raisons de l’amour infini que je lui porte.
Samedi soleil, les aliments semblent glisser le long de mon œsophage, je ne souffre plus et pour fêter ça, on se rend au lac où le vent souffle et les glaces sont toujours aussi bonnes. Chocolat fleur de sel et caramel salé se mêlent dans le pot que je m’empresse de manger dans un contre la montre avec la chaleur.
Dimanche réveil tardif et enfin une bonne, une vraie nuit de sommeil qui fit disparaître les cernes. Mon ventre, que le jeûne avait fait désenfler gonfle à nouveau, et ça me rassure presque, cette courbe convexe qui transporte un précieux fardeau. Le profil bombé, c’est bien moi. On retrouve un ami à la cathédrale, il pousse son vélo pour se caler sur nos pas. On boit un verre en terrasse sous un parasol immense que le vent fait chanter, et on regrette cette semaine écoulée et déjà disparue, car demain, il faut tout recommencer.