Il fait doux dehors, comme pour compenser nos vies hirsutes.
Je vois les jours rallonger, le soleil devenir moins timide, le lac retrouver ses couleurs de printemps et de plus en plus de baigneurs téméraires. J’aime bien me promener sur son bord, écumer les plages, fouiller le sable à la recherche de jolis coquillages. Une fois, je n’ai pas résisté à étendre une serviette pour lire au soleil. Toute absorbée que j’étais par les aventures de l’équipage du Voyageur (lisez la saga Wayfarers de Becky Chambers, vraiment) je n’ai pas tout de suite remarqué ce cygne curieux venu se sécher à côté de moi. Je me sentais observée, et pour cause. Le cygne lisait presque par-dessus mon épaule tandis que les badauds nous prenaient en photo.
En ce moment je peine à trouver l’inspiration, après un an à dessiner quotidiennement presque sans interruption, ça fait drôle de laisser mon stylet flotter dans le vide en plongeant dans l’océan d’images qu’est Pinterest. Je me noie sous le travail des autres, j’admire ce qu’ils ont à dire quand plus rien ne sort de moi. Plus d’idées, peu d’envies, aucune perspective. Et C’est OK. Je ne cours pas après l’inspiration. J’essaye d’assumer que je suis un être imparfait, bien souvent incapable de donner corps à mes idées sinon de les terminer comme il se doit. Je suis pleine de compassion pour toutes ces ébauches de textes qui ne se verront jamais apposer le mot fin, ces idées qui ont jailli de moi et se sont taries presque aussitôt. Je me refuse désormais à les considérer inutiles et sans valeur simplement parce qu’elles sont incomplètes. Il y a une forme de beauté dans leur suspension, et quand je les relis, l’envie de les terminer ne m’effleure pas. J’apprends à les aimer telles qu’elles sont : spontanées, imparfaites, parfois illisibles et souvent amputées de ce qui autrefois, à mes yeux, distinguait l’écrivain du scribouilleur lambda. Une fin.
Je ne vois plus l’écrivain comme celui qui finit, mais comme celui qui écrit. Ce qui vient mais aussi ce qui ne vient pas. Celui qui assume ce qui est, mais aussi ce qui n’est pas. Je me suis longtemps refusée la casquette d’écrivain. D’abord parce que mon métier c’est le dessin, qui suis-je pour prétendre avoir le mérite d’être lue quand je suis à peine vue dans mon statut d’illustratrice ?
Ensuite, parce que mes œuvres difformes ne correspondaient en rien à l’idée de perfection que je me faisais d’une production littéraire légitime.
Et enfin, parce que je ne suis pas lue.
Seulement, je me rends compte, là, maintenant, que si je ne suis pas lue, c’est en partie de mon fait. Je suis passée pro dans le brouillage de pistes. Je me cache, de nom de plume en pseudonymes, pour parler de moi et ne pas avoir à assumer ma part d’ombre. Cette part d’ombre que je vomis ici, aux yeux de tous, (oui bon, aux quelques yeux qui traînent par ici), je voulais tant la distancier de moi que je lui ai créé une identité à part entière. J’ai voulu la renier et l’oublier, mais elle fait partie de moi. Je suis duelle. Je l’ai toujours été. J’aime dessiner, et dans le dessin, je mets un point d’honneur à toujours tout terminer. Je ne tiens aucun carnet de croquis, je n’ai aucun fichier brouillon sur mon ordinateur, la phase de croquis chez moi n’est que ce qu’elle est : une phase, que je m’empresse de recouvrir de jolis traits propres et colorés.
J’aime aussi écrire. Depuis toujours. Mais j’écris peu, et mal. Rien de ce que j’écris n’est fluide, je repense chaque mot, relis chaque phrase, et je m’épuise avant la fin. Quand je termine un texte, c’est souvent dans la douleur et sur les rotules. Mon Drive est plein de brouillons, tout comme ce blog. Des amorces, des envies qui surviennent et me quittent à peine posées sur le papier.
Je suis une autrice brouillonne, imparfaite. Je ne finis jamais rien.
Mais je suis autrice quand même.
Photo by Marcos Paulo Prado on Unsplash
Merci beaucoup Jessica ! ❤
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J’adore tes dessins et j’aime te lire également, j’espère que tu continueras à partager tes écrits !
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