Ouvre les yeux.
Tu as un ami noir depuis toujours.
Ton beau-frère est la caution diversité des repas de famille.
Tu n’es pas raciste, tu ne vois pas les couleurs, on est tous nés sous le même ciel, on est tous humain, le même sang coule dans nos veines.
Ouvre les yeux.
Tout ça ne suffit pas.
Être tolérant ne suffit plus.
Jouer les chevaliers blancs ne protège pas ton ami, ni ton beau-frère.
Tout ça ne les empêche pas de se sentir agressés au quotidien par vos plaisanteries, vos sous-entendus, vos clichés qui se répandent comme une traînée de poudre. Tout ça ne retiendra pas les insultes, les discriminations à l’embauche, les balles qui quittent les armes en moins de temps qu’il n’en faut pour crier « all lives matter ».
Ouvre les yeux.
Ton visage blême est un rempart. Une forteresse respectée et entretenue par des générations d’esclaves.
Ta peau claire ne soulève aucune question, ne provoque aucun mécanisme défensif, n’est pas synonyme de menace, parce que tes ancêtres, quelque soit leur milieu d’origine, ont bénéficié de ce système. Ils ont vu l’inégalité, ils en ont été témoins. Leur silence les en a rendu complices.
Ils ont fermé les yeux.
Ouvre-les.
Tu verras. Cette nouvelle lumière est douloureuse. Tu peux être tenté de détourner le regard, de chausser des oeillères pour retrouver le confort de l’ignorance. C’est un luxe que ton ami et ton beau-frère, leurs frères et sœurs, et tous les noirs du monde n’ont pas. Ils vivent avec ces faisceaux aveuglants, ils s’adaptent, les yeux plein de larmes face aux violences qu’ils subissent, aux pertes qu’ils pleurent chaque jour, à tous ces cris que tu refuses d’entendre depuis le cœur de ta forteresse blanche.
Ouvre les yeux, et marche.
Marche avec eux. Marche pour eux. Abrite-les dans ta forteresse si besoin. Deviens leur rempart, ou mieux : aide-les à reconstruire le leur.
Pour que plus personne ne meure étouffé sous le poids du racisme et de la haine combinés.
Ça suffit.
Photo by Donovan Valdivia on Unsplash
Alice Battante 